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UN RETOUR PRÉCIPITÉ






    Fausse couche ou accouchement ?
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    " Vous ne voyez pas si rarement Mme de Sévigné que vous n'eussiez pu apprendre d'elle que j'étais accouchée. " Mme de La Fayette est en Auvergne, à Espinasse près de Vichy, dans le château de son mari. Juste après leur mariage, six mois plus tôt, il l'a emmenée au diable, dans ses terres. On est le 27 août 1655. Elle y a eu vingt et un ans à la mi-mars. Elle s'adresse à son ami, l'abbé Gilles Ménage, poète mondain et savant philologue. Comme elle ne veut pas perdre la face, elle plaisante le plaisir qu'il prend à fréquenter sa rivale : " Vous ne parlez guère de moi lorsque vous êtes auprès d'elle. " Elle le lui pardonne. La marquise " est bien capable de faire oublier les autres ". Nulle confidence sur l'événement même, rappelé en début de lettre, le malencontreux accouchement loin de tout secours dans un château de campagne.

    Rien non plus sur l'enfant, premier espoir de maternité, perdu sans doute puisque, d'après les dates, il devrait s'agir d'une fausse couche. Accoucher peut avoir ce sens. Telle femme, relève Furetière dans les exemples de son Dictionnaire (1690), " a accouché d'un faux germe, ou avant terme ". Il n'y mentionne pas l'expression la plus habituelle dans la bouche des dames, et dont on se demande pourquoi Mme de La Fayette ne l'a pas employée pour éviter toute ambiguïté, se blesser. " Prenez soin de vous, veillez à ne pas vous blesser ", conseillaient toutes les mères attentives aux grossesses de leurs filles...

    Et s'il s'agissait d'une vraie couche ? Neuf mois plus tôt, Marie-Madeleine de La Vergne était à Champiré, près d'Angers. Pour la première fois, elle se peint malade. Elle a mal au côté. La fièvre quarte succède à la fièvre tierce. Elle se voit mourante : " Si vous m'aimiez autant que vous m'avez aimée, écrit-elle à Ménage le 29 novembre 1654, vous auriez sujet de craindre de me perdre bientôt. " On n'avance pas de telles plaintes, si jeune, sans être gravement perturbée. La mère de la malade les prend très au sérieux, puisqu'elle décide de presser leur retour à Paris. " Nous partirons dans trois semaines, continue Marie-Madeleine, ma mauvaise santé nous obligeant à aller plus tôt que nous ne l'avions résolu aux lieux où l'on peut espérer du secours. " Le départ est encore avancé : les deux femmes sont déjà dans la capitale au début de décembre.